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25/01/2008

LETTRE AU CHANOINE

 

Lettre ouverte à MONSIEUR nicolas sarkozy ,

chanoine honoraire de Saint Jean de Latran,

accessoirement Président de la République Française.

 

 

Monsieur,


Si je m’adresse à vous en ces termes, c’est parce que vos récents discours au Vatican et  à Ryad, m’ont paru davantage ceux d’un chanoine que ceux d’un Président de la République française et que je ne me suis jamais sentie aussi insultée, humiliée ni méprisée. Le discours en France devant les représentants religieux, n’effaçant rien de ce qui a été dit.

Vous avez beau répéter que vous êtes le « Président de tous les Français », vous ne l’êtes pas et votre comportement, dans tous les domaines, le prouve chaque jour. En allant recevoir votre titre au Palais du Latran, vous avez montré tout votre dédain pour les 31% de citoyens qui s’affirment sans religion. (1), dans notre pays Vos prédécesseurs avaient, au moins globalement, le respect des citoyens dans leur diversité et ne leur imposaient pas, de façon aussi péremptoire leurs croyances personnelles, même si leur présence es- qualité , à des cérémonies religieuses, était parfois de trop pour les athées .

Mais là, vous dépassez les bornes acceptables .Tolérance dites-vous ? Non ! Ostracisme manifeste à l’égard de ceux qui ne partagent pas votre croyance en Dieu. et en matière de  sectarisme  vous montrez, là, un bel exemple D’ailleurs qu’est–ce que la tolérance ?... La mienne , Monsieur, s’arrête à l’intolérable et il est des paroles ou des actes que je ne peux tolérer. Tolérante, je le suis, puisque je suis abonnée depuis des années à la revue Golias dont les références chrétiennes sont évidentes ; je viens d’héberger gratuitement un jeune étudiant marocain, à la recherche d’un logement, qui pratiquait le Ramadan lors de son séjour à la maison; j’ai des amis très estimables qui sont croyants et d’autres qui sont athées. Je pense donc n’avoir aucune leçon de tolérance à recevoir. C’est vous qui êtes parfaitement intolérant, sans « respect » ni « civilité » en ne me reconnaissant pas un droit fondamental qui est celui de ne pas croire et en me refusant une autre philosophie de vie que la vôtre.

Mes grands-parents paternels n’avaient pas la même religion et c’est justement par respect mutuel qu’ils n’ont imposé aucune des deux à leurs enfants. Quant à ma grand-mère maternelle, je pense que la religion n’avait plus de sens pour elle après la mort de mon grand-père à l’âge de 28 ans, devant Verdun, la laissant seule avec deux enfants de 2 et 4 ans.

Vous mettez en doute l’efficacité d’une morale laïque et la blamez alors que la laïcité est un principe constitutionnel. Alors permettez-moi quelques critiques sur la morale religieuse que vous entendez nous imposer. La morale laïque me semble pourtant beaucoup plus exigeante que celle qui permet, après avoir commis un « péché », de s’en faire laver par une pénitence, en se repentant. L’éducation que j’ai reçue de mes parents libres penseurs athées m’a appris à réfléchir à mes actes avant d’agir afin de ne pas nuire à autrui. C’étaient des syndicalistes, des coopérateurs, des mutualistes, en résumé des bâtisseurs qui mettaient l’homme au centre de leurs préoccupations et non un Dieu hypothétique inventé par des hommes pour mieux en asservir d’autres. Issus de milieux modestes, ils devaient leur réussite à l’école républicaine et à sa morale laïque qui leur avait enseigné ce premier article de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789- si combattue par le Clergé - « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ; les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune » et ils ne se sont pas enrichis au détriment de la collectivité .

Pas plus que moi ils n’avaient besoin de l’idée de Dieu pour « trouver un sens à l’existence ». Ils pratiquaient la solidarité, plus noble que la charité qui n’est valorisante que pour celui qui donne, mais humiliante pour celui qui reçoit . Luttant pour l’émancipation et non l’asservissement de l’être humain à un dogme quelconque, ils n’ont pas accepté le « Travail , famille, patrie » des collaborateurs de Vichy soutenus par l’Eglise de France. Ne se résignant pas au pire, restant fidèles à la devise républicaine « Liberté Egalité Fraternité » indissociablement liée à la laïcité, pour que chacun, quelles que soient ses convictions religieuses ou qu’il n’en ait pas, vive en harmonie avec son voisin, ils se sont engagés dans la Résistance, parmi ces « terroristes » qui ne s’occupaient pas de la religion ou de l’ athéisme de leur voisin car il était alors normal de considérer la croyance comme relevant du domaine privé et que tous étaient égaux face au risque et au danger.

En parlant de Résistance, j’en arrive tout naturellement à ce qui semble vous tenir à cœur : « remettre la religion au sein de la politique » ou comme l’a dit votre ministre de l’économie, « l’église au cœur du village ». Dois-je vous rappeler que les références à Dieu sont nombreuses dans le « Mein Kampf » d’Hitler et que les soldats du Reich portaient, gravé sur la boucle de leurs ceinturons, « Gott mit uns », « Dieu avec nous », ce qui ne les a pas empêché de conduire des millions de leurs frères humains dans des chambres à gaz dont certains en raison même d’une religion différente. Merveilleuse liaison politique-religion, ne trouvez-vous pas ?... Franco, Pinochet - pour ne citer qu’eux parmi tant d’autres - qui ont par un coup d’Etat sanglant, renversé ce que le suffrage des citoyens avait voulu, n’étaient-ils pas de grands croyants, soutenus et adulés par la religion ? Celle-ci était, avec eux, au sein même de la politique ; mais dites-moi en quoi leur morale était supérieure à la morale laïque ?... Comment pouvez-vous affirmer de façon aussi péremptoire, au regard de ces exemples à la portée de tous, qu’ « une morale dépourvue de lien avec la transcendance est davantage exposée aux contingences historiques et finalement à la facilité » ?...

Si cela ne vous suffit pas, voici d’autres exemples choisis dans l’Histoire de notre pays. Deux me viennent immédiatement à l’esprit : la première, est la destruction des hérétiques Cathares, dont la foi en Dieu était pourtant très profonde, torturés et brûlés dans les bûchers de l’Inquisition menée par le légat du pape Innocent III, pour agrandir le domaine royal. Dois-je vous rappeler cette phrase rapportée par un moine cistercien qui l’impute à l’abbé de Citeaux entrant dans Béziers qui n’avait pas voulu livrer les cathares réfugiés : « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens » ?...(2) La seconde est la Saint Barthélémy de 1572, date du massacre des notables protestants réunis à Paris pour le mariage d’Henri de Navarre, futur Henri IV. Tout cela, me direz-vous, pour le « Bien », contre le « Mal ». La force et le pouvoir ne représentent-ils pas toujours le «Bien » ?...

Et cette notion nous conduit à votre idée de la « civilisation ». Je crains qu’elle ne flirte avec la « guerre des civilisations », si chère à votre ami étasunien, par ailleurs farouche partisan de la peine de mort, dont le sentiment religieux ne fait aucun doute. N’a-t’il pas, sans aucun état d’âme, mis à feu et à sang et noyé sous les bombes un état, berceau d’une des plus anciennes civilisations  , entraînant dans la guerre son pays à partir d’un mensonge éhonté comme on le sait aujourd’hui ?...Ceci, évidemment ,comme il l’a martelé au nom du « Bien » contre le « Mal » faisant fi du pardon et du commandement : « Tu ne tueras point ».

Dans tous les cas évoqués, Monsieur, je ne peux trouver ce  que vous m’affirmez : « Dieu qui est le rempart contre l’orgueil démesuré et la folie des hommes . Dieu qui, par delà les différences, ne cesse de délivrer à tous les hommes un message d’humilité et d’amour, un message de paix et de fraternité ». Libre à vous de le penser, mais je ne vous reconnais pas le droit de le dire en mon nom et de bafouer ainsi mes ancêtres et ma famille.

Les libres penseurs et athées sont-ils des voyous à nettoyer au karcher ?... et mes dix petits enfants seront-ils victimes d’ostracisme et de persécutions religieuses ?...

Je ne peux m’empêcher, pour ma part , en tant que laïque, d’être atterrée, par les milliers de victimes, affamées, torturées, massacrées aujourd’hui, comme hier, par de grands croyants, par des Etats religieux, au nom d’intérêts économiques abjects. C’est au nom de la « civilisation » que les civilisations précolombiennes furent détruites -Torquemada était bien un envoyé de l’Eglise- et la Reine de Castille avait bien pour nom Isabelle la Catholique. A quoi sert une repentance des siècles plus tard ?... Rien n’a changé . Simplement aujourd’hui, les puissants de ce monde sont beaucoup plus hypocrites et disposent de moyens colossaux pour nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Appelons cela, si vous le voulez, « l’espérance » !

Votre modernité n’est , en réalité, qu’un gigantesque bond en arrière. C’est au Moyen –âge que la religion a connu sa toute puissance. A cette époque, on vendait les paysans « taillables et corvéables à merci » avec la terre à laquelle ils étaient attachés. Aujourd’hui, on vend les salariés avec l’entreprise… avant de les jeter comme des lingettes usagées. Et ils redeviennent, petit à petit, à nouveau, corvéables, à merci.

Non, l’alliance du politique et du religieux ne peut en aucun cas être bénéfique à tous, mais certainement elle peut rapporter gros à quelques uns.

Alors permettez-moi de croire, puisqu’il faut croire, en la laïcité et en sa morale solidaire et humaniste, pour forger un monde plus juste, sans vérité révélée imposée. Dans un état laïque toutes les religions peuvent s’exprimer, alors que dans un état religieux, les non-croyants n’ont que le droit de se taire quand ils ne sont pas éliminés.

Vraiment, Monsieur, vos valeurs ne sont pas les miennes, nous n’appartenons pas à la même France, ni à la même Europe et encore moins au même Monde.

Recevez, Monsieur, l’assurance de mes salutations très laïques.












Colette DUTERTRE, citoyenne de 68 ans

22 rue du Docteur Roux

79000 NIORT

Courriel : colette.dutertre@orange.fr


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(1) Sondage CSA /Le Monde des Religions – Janvier 2007

(2) «  Cathares -  La terre et les hommes »  G. Sioen et M.Roquebert – Editions Place des Victoires

13:52 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0)

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