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22/02/2008

LUCY ET L' OBSCURANTISME.

Lucy  et  l’obscurantisme

Pascal Picq

(Ed. Odile Jacob, avril 2007, 302 pages, 22,90 €)

 

Ce n'est pas tous les jours qu'un anthropologue, maître de conférences au Collège de France et auteur d'un grand nombre de livres et d'articles sur les origines de l'homme et la théorie de l'évolution en général, écrit un livre qui commence par une longue citation de Darwin et par cette déclaration : "Sans la laïcité, ce livre n'existerait pas !" Nous pouvons être reconnaissants à Pascal Picq de rétablir la vérité et la clarté dans un débat que tous les grands média s'acharnent à obscurcir à qui mieux mieux.

Ce livre est un manifeste, un cri du coeur, et l'auteur nous explique ce qui l'a déterminé à l'écrire : c'est la découverte d'un magnifique ouvrage très bien cartonné et illustré, traduit dans une vingtaine de langues, intitulé "L'Atlas de la création", ayant pour auteur un certain Haroun Yahia, qui doit être suivi de sept autres volumes, et qui explique avec force arguments que tout ce qui est dans la Bible et dans le Coran est vrai, que le monde a été créé par Dieu en six jours, et que la théorie de Darwin est fausse. Ce livre a failli  être adopté par le Ministère de l'Education nationale et envoyé aux 20.000 centres de documentation des collèges et lycées de France, mais devant le concert de protestations qu'il a soulevé, il a été réexpédié à son éditeur turc.

Là-dessus, Pascal Picq retrace l'offensive obscurantiste qui sévit depuis longtemps aux Etats-Unis sur le thème du créationnisme ou de la théorie du Dessein Intelligent (Intelligent Design en anglais) : tous les procès intentés par les adversaires de Darwin aux Etats-Unis et en Australie ont échoué, mais dans ce dernier pays celui qui défendait Darwin a été ruiné, aux Etats-Unis les évangélistes sont plus puissants que jamais, et ils étendent leurs ramifications en France et dans le monde entier. Mais il ne suffit pas de dénoncer les absurdités des thèses qui prétendent, par exemple, qu'il y avait des dinosaures dans l'arche de Noé (si d'après la Bible le monde date d'environ 6000 ans, les dinosaures ont disparu depuis 65 millions d'années), il ne suffit pas de montrer que le créationnisme et le Dessein Intelligent ne sont pas des hypothèses scientifiques, mais des croyances religieuses, encore faut-il expliquer en quoi consiste exactement l'évolution, et la débarrasser de toutes les fausses interprétations qu'inventent les obscurantistes pour faire croire qu'elle n'a pas de fondements.

Nous nous apercevons donc que nos chaînes de télévision, lorsqu'elles consentent à ne pas nous divertir et à aborder des sujets sérieux, emboîtent largement le pas à des théories qui sont manifestement fausses, parce qu'elles attribuent à l'évolution une finalité qui lui est totalement étrangère. L'homme sapiens actuel est le seul survivant de toute une série d'hominidés qu'il a supplantés grâce à sa supériorité cérébrale, et il s'est répandu sur toute la terre, mais il n'y a aucun plan, aucun dessein prémédité dans tout cela, et si les hommes veulent vivre en paix et s'assurer une longue descendance, ils feront bien de prendre en considération l'environnement dont ils profitent, et le gérer rationnellement, au lieu de le détruire sauvagement comme ils font depuis deux siècles.

Pascal Picq élargit donc son propos à l'écologie, la climatologie, l'éthologie, l'astronomie, car tout se tient, et dans cet ensemble on voit bien que la théorie de l'évolution, comme toutes les théories scientifiques, est en évolution elle-même, se précise et s'améliore constamment, et ne prétend pas donner une vérité absolue et définitive, ce qui d'ailleurs n'enlève rien à sa véracité. La science procède par hypothèses et vérifications, approximations successives, elle nous donne des connaissances sûres, qui permettent les applications technologiques. L'homme n'est pas un être privilégié, pour lequel le monde aurait été créé ou organisé, mais "une brindille de l'arbre de la vie", et il doit prendre son destin en mains, en faisant triompher les valeurs universelles.

Le livre de Pascal Picq se termine donc, comme il est logique, par des considérations morales qui ne doivent rien à la  transcendance religieuse, et à la fin il se paie même le luxe de nous signaler la poésie de certains livres de la Bible. On peut lui faire quelques critiques de détail, mais dans l'ensemble ce livre, qui se lit très facilement, est une mine de renseignements et de réflexions pour qui veut combattre effectivement la vague  noire qui nous menace. 

Antoine THIVEL

 

14:27 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0)

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